La St Eloi se profile à l'horizon. Comme de coutume, quelques agriculteurs se sont retrouvés autour de Joël Morlet pour faire le point sur la campagne écoulée et sur ce que vit le monde agricole. Voici quelques données sur ce bilan d'étape.
Une année difficile
Globalement
le moral des agriculteurs n’est pas au beau fixe. Les pluies de printemps et
d’été ont compromis en partie les récoltes céréalières et oléagineuses ;
les rendements sont nettement en dessous de la moyenne des années
précédentes ; pour certaines exploitations, c’est 50%. Les prix sont
plutôt bas. Par contre, en positif, les résultats pour les betteraves sont
satisfaisants.
Ces
mauvais résultats affectent les économies des exploitations, exposant celles
qui doivent faire face au remboursement d’emprunt, soit à se retrouver en
rupture de paiement ou en défaut de trésorerie, et à revoir, quand cela est
possible, les plans de financement. Ces difficultés vont se manifester surtout
au mois de janvier 2025.
Paradoxalement
les organisateurs et les exposants de la Foire de Châlons, évènement qui donne
un peu la température sur l’activité autour du matériel agricole, sont plutôt
rassurés compte tenu des difficultés actuelles.
La
gestion des questions sanitaires (mise en place de plans de vaccination,
élaboration et disponibilité des vaccin) a été marquée par des
dysfonctionnements suscitant la colère des éleveurs.
Des problèmes de financement
Beaucoup
d’agriculteurs ont fait appel à des plans de financement pour faire face à leur
besoin en matériel, mais aussi en intrants aux prix volatiles. La capacité de
remboursement va dépendre des résultats, des prochaines moissons.
Des agriculteurs, baissent les
bras : « est-ce que cela vaut le coup de choisir aujourd’hui ce
métier ? ».
Des personnes et des exploitations se
retrouvent en difficulté : défaut de paiement, incapacité d’assurer les
échéances financières, mutuelles non payées, problèmes relationnels. Il faudra
porter une attention particulière à toutes ces personnes pour des raisons
économiques et pour des raisons humaines. La profession et des associations
essaient d’être présentes à ces situations et proposent un accompagnement
Des évolutions en cours
Dans les évolutions que vit l’agriculture, il faut souligner ces dernières années l’implantation des méthaniseurs, qui viennent accentuer la part des productions végétales qui s’oriente vers la production d’énergie. La plupart de ces méthaniseurs sont des initiatives collectives. Entre 5 et 10 agriculteurs, et jusqu’à une quarantaine, se sont regroupés autour de ces créations, ce qui est assez remarquable. En même temps beaucoup s’interrogent sur le danger de prélever des productions végétales, dont la vocation première est de nourrir les hommes.
Une
autre tension se manifeste entre le désir de promouvoir l’installation des
jeunes pour un renouvellement des générations et la montée d’exploitations de
grande dimension où l’agrandissement semble ne pas avoir de limite et la
primauté est donnée à la dimension financière avec un salariat important. Cela
questionne sur l’avenir des exploitations familiales.
La profession se mobilise
Mobilisation
de la profession : en janvier et février, des manifestations importantes ont eu
lieu (les différents syndicats étaient mobilisés), qui expriment un
mécontentement face aux questions économiques, avec différentes causes :
inflation, augmentation et volatilité des prix des intrants, importations
agricoles concurrentielles sans les normes de qualité, non-suivi de la loi
« Egalim » dont le but était de stabiliser les prix quant à l’achat
des industriels et des distributeurs.
À ces
difficultés s’ajoute celle des réglementations avec leur aspect
contraignant ; elles sont quelquefois contradictoires sur les questions
environnementales. De plus l’application des directives européenne n’est pas la
même suivant les pays, ce qui crée des dysfonctionnements de concurrence, en
particulier aux frontières : cerises en Alsace, légumes dans le midi. Les
réglementations se multiplient et augmentent le travail bureaucratique, ce qui
oblige l’agriculteur à y consacrer beaucoup de temps : « ce n’est pas
mon métier » disent-ils. Il y a une demande urgente de simplification.
La
crainte est grande aussi que les accords du Mercosur, avec les pays d’Amérique
latine n’entrainent une nouvelle pression sur les marchés et les prix, ce qui
amènerait vraisemblablement de nouvelles manifestations.
Plus
faible relation des agriculteurs avec leur environnement humain
Les agriculteurs sont aujourd’hui beaucoup moins nombreux, et souvent minoritaires parmi les populations présentes dans les campagnes. A cela plusieurs conséquences, un isolement des agriculteurs entre eux, favorisant des conduites individualistes, et des incompréhensions avec les populations présentes, ce qui n’est pas sans provoquer des conflits.
Globalement
les discussions font apparaître le manque de perspective, le manque de vision
sur le plan économique, mais aussi autour des questions écologiques et sur le
plan sociétal, autour de la reconnaissance et l’utilité du métier
d’agriculteur.
Des capacités de rebondissement
Cela dit, l’agriculture, reste un lieu d’initiative, d’entreprise même si elle doit faire face à de nombreux défis économiques, humains, écologiques. Face à ces défis, et ce qu’ils demandent de prendre en considération, si les résistances à évoluer sont réelles, les initiatives le sont tout autant, qu’elles soient individuelles ou communautaires. Il est à noter que lorsque l’occasion se présente, les agriculteurs aiment discuter, échanger, il y a certainement un réel besoin à favoriser des lieux de rencontre, et des lieux où chacun peut s’expliquer et permettre la naissance d’idées