jeudi 5 décembre 2019

St Eloi 2019; homélie de Joël : préserver le bien commun.

L'homélie de Joel pour la St Eloi vient boucler le travail de réflexion sur le milieu agricole et rural. C'est le 3e volet de la St Eloi sur notre blog.


En ce jour de St Eloi, nous aimerions ne penser qu’à des choses positives et pouvoir faire la fête tranquillement. Nous sommes là bien sûr pour la faire mais nous sommes venus nous présenter devant le Seigneur avec la totalité de ce que nous sommes et de ce que nous vivons, et en cette période nos sentiments peuvent être mélangés.

Car en ce moment les temps sont plutôt à baisser la tête et à avancer avec peine. Exigences sociétales,  compétition mondiale, surcharges administratives, direction politique absente, climat en pleine évolution… tout cela à la sauce médiatique… Cela fait beaucoup.  Certes certains gardent de la tranquillité mais nous le savons d’autres sont plus touchés et se sentent déconsidérés. Quel chemin tracer personnellement et tous ensemble ?


Ce jours, nous commençons notre préparation à la fête de Noël. Le Fils de Dieu vient partager notre humanité. Il vient partager les peines et les joies, les souffrances et la vie des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Il vient nous dire et nous redire que les contradictions et les chemins difficiles n’ont pas à déboucher sur la tristesse et l’abandon. Il vient nous inviter à l’espérance et à la confiance ; loin du découragement ou du cynisme (que le meilleur gagne !) il nous invite à nous engager pour la justice et pour la paix. « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ».

Dieu nous a confié la Création et toutes ses potentialités. C’est un don magnifique qui engage notre responsabilité : prendre soin de la nature grâce à notre intelligence et à notre travail ; prendre soin des hommes, des  femmes pour former une communauté humaine fraternelle.

Chaque profession participe à sa façon à promouvoir et préserver ce Bien Commun. Mais le rôle de l’agriculteur par son rapport particulier à la nature et à la terre occupe une place décisive : entretenir la vie des plantes, des animaux ; nourrir les hommes ; préserver les éco-systèmes et la biodiversité. C’est une passion et une fierté et il n’y a pas de raison de s’en laisser déposséder.

Face aux difficultés actuelles et à un éventuel sentiment d’enfermement, le chemin d’espérance auquel le Christ nous invite, n’est certainement pas le repli sur soi et l’isolement. Il n’est pas de fermer les écoutilles et de se taire. C’est un travail de discernement pour entendre ce qui mérite d’être entendu et ne pas se laisser désarçonner par ce qui est faux ou inadapté. De tout temps les connaissances scientifiques, et aujourd’hui elles sont de plus en plus pointues, ont conduit les agriculteurs à faire évoluer les techniques agricoles. L’objectif est de produire de la manière la plus efficiente et la plus saine. C’est ce que font la plupart d’entre nous même si ce n’est ni simple ni toujours évident ; nous le savons bien : c’est une des données du métier que d’évoluer.

Plus cette évolution est compliquée et plus l’effort est  à mener ensemble. C’est se sentir avec les autres agriculteurs, et en particulier les plus proches, solidaires pour tracer un chemin dans les transformations nécessaires, pour s’entr’aider lorsque cela est nécessaire, pour se soutenir vers un avenir commun. C’est une question d’efficacité et aussi de soutien mutuel. Une attention particulière est à accorder pour ceux que l’on sent en difficultés ; aller vers eux dans un sentiment vrai et désintéressé d’entr’aide.

Si les questions liées à l’environnement occupent beaucoup les esprits, un souci  de notre société  devrait nous préoccuper aussi intensément, c’est la méfiance qui s’est installée entre nous et le dénigrement systématique entre les composantes de la société. Reconstruire la confiance et le dialogue avec toutes les catégories de la société. Les attaques sont quelquefois si virulentes que la tentation est de se braquer et de se taire. Ne laissons pas le lien social se déliter complètement.  Il faut savoir profiter et créer des occasions d’expliquer son travail, ses efforts et montrer le chemin parcouru. Il nous faut rétablir de la confiance et, si effectivement certains ont peu souci du bien commun, beaucoup d’autres ne demandent qu’à comprendre et être compris.

Plus largement, la ruralité est dans notre société très urbanisée un facteur d’équilibre dont nous avons besoin. Cette ruralité par ses qualités de contact avec la nature, les paysages,  la vie végétale et animale mais aussi son patrimoine, un rythme de vie calquée sur la nature est à entretenir, à préserver pour le bien de tous. Les agriculteurs peuvent y contribuer avec les autres catégories sociales qui l’habitent (artisans, commerçants, employés, ouvriers, cadres et professions libérales) et cela demande aussi sens de l’autre même s’il est différent, dialogue et bienveillance. Il faut préserver ou créer des lieux de rencontre, d’échange, de fête qui permettent de penser ensemble un avenir commun et de constituer des territoires ruraux animés et vivants. Nous nous  habituons trop facilement à l’individualisme. La confiance et la solidarité sont des biens plus précieux que les sécurités matérielles. « Vous êtes le sel de la terre… vous êtes la lumière du monde ». Cette parole du Christ n’est pas une invitation à l’orgueil mais une responsabilité confiée pour oeuvrer avec humilité envers et contre tout à la  justice et à la fraternité.

Noël ne doit pas être le moment d’une trève trop vite passée; il se prépare comme l’accueil, au milieu des peines et des difficultés, de la Bonne Nouvelle d’un Dieu qui a confiance dans l’humanité qu’il a créée et qu’il vient encourager dans son désir de justice, de fraternité et d’amour. Noël n’est pas un moment d’oubli, il doit  être chaque année la base d’un rebond, d’un effort renouvelé puisque le Seigneur est parmi nous, avec nous.