samedi 2 décembre 2017

Cérémonie de St Eloi à Ville sur Tourbe

Afin de permettre à ceux qui le souhaitent de reprendre quelques temps forts de la cérémonie de St Eloi, nous consignons sur ce blog le mot d'accueil de Paul et les intentions de prière universelle de Céline.
Belle célébration pour le secteur rural qui a su se mobiliser!


Mot d'accueil


Bienvenue à tous,
bienvenue à Joël Morlet et Philippe Oudin, nos célébrants.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour célébrer la St Eloi, patron des artisans et des agriculteurs. A cette occasion, il est de tradition de faire un point sur l'état des troupes et la situation agricole. Le moins que l'on puisse dire en ce 2 décembre 2017, c'est que nous, agriculteurs, nous nous sentons un peu oppressés.



Pression économique tout d'abord. 2016 a été une année noire. En 2017, les comptes sont tout juste à l'équilibre. Depuis 5 ans, en moyenne, les revenus ne sont pas là, en culture comme en élevage. Les exploitations se fragilisent.


Pression sociétale ensuite. Le consommateur veut du bio sans OGM, sans glyphosate. Les médias et certaines associations nous montrent souvent du doigt. Le législateur multiplie les normes, les réglementations, les papiers à remplir, les contrôles... Le moral se fragilise aussi!

Nous traversons donc une période difficile où le découragement, la perte de confiance, l'irritabilité voire le repli sur soi peuvent rapidement s'installer. Dans cette période de vents contraires, je vois deux atouts à préserver dans notre secteur: 


  • d'abord notre communauté, présente aujourd'hui avec ses valeurs chrétiennes. Chacun  est conscient du rôle qu'il a à jouer en tant que membre d'une famille, voisin, collègue ou partenaire professionnel pour aider quand une situation se dégrade mais aussi soutenir tout ce qui contribue au lien social dans nos villages. Conscient que l'individualisme est une impasse.
  • ensuite nos organismes agricoles souvent créés par nos anciens qui, même s'ils sont parfois remis en cause aujourd'hui, gardent certaines valeurs solidaires et le respect de l'humain. Les situations délicates y sont certainement gérées de façon moins expéditives que dans un système tout libéral.


Ont lieu actuellement les Etats Généraux de l'Alimentation réunissant beaucoup de matière grise à Paris, et qui nous proposent un marché : mieux partager la Valeur Ajoutée sur les filières en échange d'une qualité accrue (donnant-donnant). L'idée est séduisante , nous promettant à la fois une rémunération plus décente et une réconciliation avec la société. Mais encore faut-il que nos très puissantes grandes surfaces acceptent de partager et là, ce n'est pas gagné...!


Pour positiver, il faut regarder ailleurs, prendre un peu de recul et être conscient que:


  • l'image des agriculteurs est toujours bonne chez nos concitoyens.
  • nous sommes dans la Marne, une région agricole plutôt favorisée par rapport au reste de la France.
  • la France est encore un pays privilégié, avec beaucoup de protections, par rapport au reste du monde

Croyons en nos valeurs solidaires, humaines, chrétiennes et continuons à les défendre!
Bonne St Eloi à tous.


Prière universelle

 - Les personnes qui se déplacent à l’église pour écouter et vivre la parole de Dieu sont devenues beaucoup moins nombreuses; ceux qui consacrent toute leur vie à cette annonce aussi. Pour que le Seigneur aide l’Église entière à renouveler sa façon de témoigner, d’annoncer, d’enseigner et afin qu’elle accueille et forme les vocations dont elle a besoin, ensemble prions.

 - Aujourd’hui, nous fêtons St Eloi, patron des agriculteurs, mais aussi des orfèvres, des forgerons ou encore des mécaniciens. St Eloi travaillait avec ardeur et sans fraudes en donnant toujours l'exemple de la sainteté. En avril 2016, le pape François disait : « Merci à toi qui es paysan. Ton travail est indispensable à toute l’humanité. En tant que personne, en tant que fils de Dieu, tu mérites une vie digne ». Pour que les travailleurs ruraux d’aujourd’hui gardent force et confiance, pour que la compréhension perdure au sein de leur foyer, pour qu’ils cultivent avec la même ardeur la terre et leur foi, au plus profond d’eux-mêmes et avec leur famille, ensemble prions.

 - Nous observons une place croissante attribuée au profit économique et aux technologies innovantes. Ce phénomène peut dévorer la personne humaine et ses relations sociales, que ce soit au travail ou en famille. Choisir notre avenir, choisir notre monde à venir, c’est choisir de regarder l’autre, c’est le féliciter et l’encourager. Pour que le Seigneur, nous aide à savoir relever les points positifs dans chaque homme, chaque femme et chaque enfant, ensemble prions.


 - L’évangile lu aujourd’hui, nous montre que la rencontre avec Jésus n'est jamais anodine, elle ne peut pas se faire dans le brouhaha, il faut être à l’écoute. Pour que nos oreilles s’ouvrent afin d’être vraiment à l’écoute, pour que nos bouches parlent avec des paroles bienveillantes ;pour ouvrir dans chaque communauté paroissiale un dialogue qui ne sera pas un dialogue « de sourds », mais un dialogue d’entraide et de pardon, ensemble prions.



Homélie St Eloi 2017

Cette homélie proposée par Joël s'appuie sur le travail préparatoire réalisé avec un petit groupe d'agriculteurs et présenté dans un précédent article


Au moment où vous, agriculteurs (et artisans), vous vous présentez devant le Seigneur, c’est avec le paquet de tous les défis que vous vivez : défis de toute nature, économiques, sociaux et politiques : recherche d’un revenu décent et d’un travail épanouissant, relations avec les autres acteurs de l’agro-alimentaire, pression sur les questions environnementales, exigences administratives de l’État…

C’est difficile de les laisser à la porte de l’Église car, venant remercier le Seigneur du don qu’il nous a fait de la Création, nous savons que ces défis sont au cœur de cette mission confiée d’être des gérants de ce don que le Créateur nous a fait : nourrir les êtres humains, vivre ensemble en harmonie et construire la communauté humaine, mettre en valeur la création.

Les valeurs de l’Evangile doivent rester bien vivantes en nous pour que les décisions et les orientations à prendre soient conformes à ce que le Seigneur attend de nous : respect de tout être humain et spécialement des plus fragiles, souci de la construction de la communauté humaine au travers de la recherche du Bien commun, de la justice et de la solidarité. Sans cesse des situations nouvelles, de nouvelles connaissances nous obligent à repenser la manière dont ces valeurs doivent guider notre action.

Ce qui menace notre monde est un individualisme négatif qui ne prend aucun soin des plus fragiles, du lien social et du bien commun de notre société alors que « tous, nous sommes responsables de tous » selon l’expression du pape Jean-Paul II. L’épisode de la guérison du sourd-muet par Jésus peut éclairer le chemin à prendre pour résister à ce qui menace notre humanité. Le danger est de ne plus être capable d’écouter, de ne plus juger utile de parler alors qu’il nous faut être capable d’entendre et de prendre la parole.

Cette surdité et ce mutisme touchent particulièrement ceux qui connaissent des difficultés et dont la vie familiale et personnelle est menacée : face à une situation très difficile, ils n’entendent plus, ils ne parlent plus et peu à peu ils s’enferment incapables de faire face à cette situation. La trappe se referme peu à peu et la solitude gagne. Face à ces situations, il est d’autant plus urgent qu’ils puissent rencontrer quelqu’un qui les écoute et leur parle. C’est difficile mais il ne faut surtout ne pas se détourner ou rester indifférent par facilité. 

Mais c’est sans doute plus globalement qu’il nous faut réapprendre à écouter, à s’écouter, à parler, à se parler. L’individualisme qui équipe d’œillères peut quelquefois conduire à l’autisme. Le refus de l’autre, de ses convictions et choix différent se mue en agressivité et en colère. Pour que notre parole soit juste, il faut que notre écoute soir réelle. Dans ce monde complexe, il est si facile de simplifier, de penser en noir et blanc. « Trois minutes pour comprendre » : tel est le slogan d’une radio ; qu’est-ce qui peut être compris en trois minutes ?

L’Espérance est un autre fondamental de l’Evangile ; aujourd’hui c’est de ne jamais se décourager d’écouter et de parler. Il y faut de la sagesse et du courage pour entendre et dialoguer dans la diversité et la complexité de notre monde. Le chrétien est un homme de communion, de rencontre, voire de réconciliation.


Partager, s’écouter, se parler, n’est-ce pas le cœur de l’Eucharistie que nous célébrons. Comme nous l’entendions dans la première lecture, nous avons certainement besoin du Christ et de sa force pour rester dans le monde d’aujourd’hui des gens persuadés qu’il est important de perdre du temps à parler à son voisin, qu’il faut rester ouvert sur le monde afin de découvrir la diversité et la richesse des autres. Il est peut-être difficile de s’asseoir autour d’une table pour envisager ensemble une situation et réfléchir à une solution partagée mais c’est ce que le Seigneur a voulu faire en partageant notre humanité, en s’asseyant pour un repas avec des apôtres dont il ne connaissait que trop les limites.