dimanche 2 décembre 2018

Homélie de la St Eloi 2018

Cette homélie proposée par Joël s'appuie sur le travail préparatoire réalisé avec un petit groupe d'agriculteurs et présenté dans un précédent article (lien) intitulé "la sécheresse bouscule les agriculteurs. 



Depuis quelque temps, l’Église, par la voix des papes, a coutume d’appeler notre planète « la Maison commune ». Cela a pour mérite de manifester la solidarité et la fraternité qui lient tous les êtres, humains et non-humains, qui la composent. Elle souligne la richesse et la diversité de tous ces êtres, ainsi que l’équilibre qui doit présider à leur cohabitation et leur coopération. Hommes et femmes, nous avons été créés comme responsables de cette Maison, veillant sur cette diversité et cet équilibre. « Tous, nous sommes responsables de tous » disait Saint Jean-Paul II

Aujourd’hui, cette Maison est secouée par une crise qui menace les équilibres humains et environnementaux. Les développements scientifiques et techniques qui nous ont donné un pouvoir inédit sont questionnés par les nouvelles connaissances scientifiques. Il nous faut réfléchir à des réorientations. De même, la mondialisation, qui avait unifié les peuples, se révèle porteuse des venins de la volonté de dominer et du rejet, de la loi du plus fort. Les progrès, qui nous ont apporté tant de bienfaits, demandent à être corrigés. Cela ne concerne pas que l’agriculture mais toute notre société.



Pour nous chrétiens, cela nous incite non pas au catastrophisme et au découragement, mais à l’engagement et à la confiance que nous sommes capables de trouver les nouveaux chemins de la justice et de la paix. Non par les simplismes et la recherche facile de boucs émissaires, ni par le retour en arrière, ni par le chacun pour soi et le refus de l’autre, mais par une recherche équilibrée et patiente de nouvelles voies ou de voies renouvelées.

Dans ce soin de la Maison commune, vous, les agriculteurs, avez une place particulière : une part importante de la gestion de la nature vous est confiée pour le bien de tous. Nourrir les êtres humains, veiller à préserver la bio-diversité, articuler le soin de la terre, des végétaux et des animaux de manière équilibrée, vous met en contact privilégié avec la Création. Au delà des découragements qui peuvent naître des difficultés liées aux aspérités de la nature, à la non-reconnaissance de votre travail, le métier d’agriculteur est motivant : il offre un contact et une proximité avec la nature, avec la vie et la force qu’elle contient. La technicisation qui facilite le travail ne doit pas supprimer cette proximité et ce plaisir. Cela donne du sens au travail. Mais la recherche excessive du profit ou l’impossibilité de gagner sa vie ne doivent pas venir corrompre cette responsabilité particulière de gérer la nature.


Cette mission confiée aux agriculteurs est appelée à être vécue en solidarité. Ce n’est pas une option, sauf à aller contre le sens de la Création. L’humanité a été créée solidaire. De même que nous sommes destinés à un compagnonnage attentif et bienveillant avec la nature, de même les hommes et les femmes sont appelés à prendre soin les uns des autres en veillant au respect de chacun et à la complémentarité entre les diverses catégories sociales.

L’égoïsme qui attribue à l’autre la responsabilité de ce qui  ne va pas, qui considère  celui qui est  différent comme un concurrent ou une menace, qui  justifie cette attitude comme une nécessité humaine, est un poison à l’origine de la plupart de nos problèmes. La méfiance sociale qui habite notre société est un cancer : celui-ci empêche de croire l’autre, il lui attribue des motivations intéressées, il empêche de travailler ensemble en confiance. A l’inverse, il nous faut redécouvrir la richesse de la coopération qui commence par le simple plaisir d’échanger, la multiplication des occasions de parler ensemble. Croire que l’autre est  un atout pour un enrichissement mutuel. Nous sommes responsables ensemble de la Maison commune et c’est ensemble que nous trouverons les voies de l’avenir.

Dans l’homélie proposée l’an dernier, il était dit : « il nous faut réapprendre à écouter, à s’écouter, à parler, à se parler. L’individualisme qui équipe d’œillères peut quelquefois conduire à l’autisme. Le refus de l’autre, de ses convictions et de choix différents se mue en agressivité et en colère.Pour que notre parole soit juste, il faut que notre écoute soir réelle. Dans ce monde complexe, il est si facile de simplifier, de penser en noir et blanc. »

Pour cette fête de Saint Eloi, nous nous sommes rassemblés et nous célébrons une messe. C’est à un repas que nous sommes conviés, un repas de frères, un repas d’enfants de Dieu à qui Il a confié la Maison commune. Offrons lui l’image d’ouvriers réellement attelés à cette tâche.