Dimanche 25 novembre 2018
Dans cet
Evangile du procès de Jésus (Jn 18/33-37), et plus précisément de la
comparution devant Pilate, nous voyons Jésus s’opposer aux autorités
religieuses et politiques : il remet en cause la domination que ces
autorités exercent sur les gens. En face, il propose une autorité reposant sur
une mission : rendre témoignage à la vérité. Que veut-il
dire ?
On peut déjà
noter que Jésus parle de témoignage,
ce qui n’est pas seulement dire la vérité. Le témoin parle mais il agit ;
son témoignage passe par la parole et les actes. Il ne suffit pas de dire la
vérité, il faut aussi la vivre.
Mais la
question de Pilate ensuite est pertinente : « qu’est-ce que la
vérité ? ». Cette question vaut aussi pour notre époque. L’être humain, parce qu’il est capable de
réflexion, ne peut échapper à cette recherche de la vérité. Celle-ci doit
nous dire ce qu’est la réalité afin
que nous soyons capables d’agir de façon réaliste et sensée.
Or nous
vivons dans un monde complexe, compliqué où comprendre la réalité nécessite un effort important. Recueillir
toutes les données et les informations, les intégrer dans un ensemble qui fasse
sens est difficile ; nous sommes souvent noyés ou nous devinons que nous
n’avons pas tous les éléments du problème. De plus ce
qui devrait nous permettre d’accéder aux informations est gangréné par le
mensonge. Sur Internet les « fake-news » fleurissent ; on arrive
même à parler de « vérités alternatives » pour qualifier ce qui est
manifestement un mensonge.
Établir la vérité est presque toujours
une œuvre collective :
nous ne pouvons tout savoir ni tout vérifier ; nous avons besoin des
autres et de leurs savoirs. Il faut
entendre la vérité que portent les autres, laisser questionner notre
vérité par celle de l’autre. Cela ne peut se faire que dans une relation de
confiance mais c’est un autre sentiment qui précisément fait beaucoup défaut aujourd’hui.
Pourtant nous ne pouvons
renoncer à chercher la vérité, cela fait partie de notre dignité humaine. C’est
une responsabilité que nous devons assumer pour être un acteur raisonnable,
sensé. Il nous faut toujours, au moment de nous engager, établir ce qui est
vrai, ce qui est réel.
Ma deuxième
réflexion est que la vérité établie est
presque toujours marquée par une qualification, une référence à une valeur
et je crois que c’est cette dimension à laquelle le Christ s’attache quand il
dit qu’il est venu pour rendre témoignage à la vérité.
Je
m’explique : quand vous avez un verre rempli à moitié, vous pouvez dire
« il est à moitié vide » ou bien « il est à moitié plein ».
Le plus souvent, ce ne sont pas seulement des constats qui sont tous les deux
exacts. Ils peuvent signifier une vision pessimiste ou à l’inverse optimiste,
vision qui va orienter l’action plutôt vers l’abandon :« c’est
fichu ! » ou bien vers l’espérance qui invite à poursuivre.
Jésus est celui qui a regardé toute
personne de manière positive ;
il a mis en elle l’espérance d’une
avancée, en l’invitant à se remettre debout. Il avait autour de lui des
voleurs, des prostituées, des fanfarons mais il n’a pas enfoncé chacun de
ceux-là dans sa réalité négative ; au contraire il lui a fait confiance
(et les personne lui ont fait confiance) pour changer de vie et repartir. La
vérité qu’il portait et partageait pour chacun était une vérité d’espérance, de
vie, d’amour.
Et c’est bien ainsi que nous sommes appelés à
témoigner nous aussi de la vérité.
C’est l’occasion d’un examen de conscience. Au terme d’une journée, quelle est
la part dans les paroles que nous avons dites, de celles qui portaient à la
confiance, à la bienveillance, à l’encouragement… et de celles qui
critiquaient, dénigraient, rabaissaient ?
De plus
prenons garde : je me souviens de cette petite fille de 10 ans dont
j’admirais la maturité humaine qui disait : « les défauts qu’on voit
bien chez les autres, c’est ceux qu’on à soi-même ». Notre vue
« réaliste » sur les défauts des autres n’est-elle pas souvent une
manière en abaissant les autres de nous élever ? Notre vue « réaliste » sur les situations n’est-elle pas
souvent une manière de nous dédouaner de notre inaction sur ce qui dépend
de nous ? Le regard que nous portons sur les gens, si nous ne
réfléchissons pas, risque de dire plus sur ce que nous sommes que ce qu’ils
sont.
Laissons l’Esprit du
Christ pénétrer nos vies afin que nos paroles et nos actes rendent témoignage à
la vérité et fassent vivre une vérité d’espérance, de justice, de fraternité et
d’amour.
Père Joël Morlet