lundi 26 novembre 2018

Homélie de la fête du Christ Roi

Dimanche 25 novembre 2018


Dans cet Evangile du procès de Jésus (Jn 18/33-37), et plus précisément de la comparution devant Pilate, nous voyons Jésus s’opposer aux autorités religieuses et politiques : il remet en cause la domination que ces autorités exercent sur les gens. En face, il propose une autorité reposant sur une mission : rendre témoignage à la vérité. Que veut-il dire ?

On peut déjà noter que Jésus parle de témoignage, ce qui n’est pas seulement dire la vérité. Le témoin parle mais il agit ; son témoignage passe par la parole et les actes. Il ne suffit pas de dire la vérité, il faut aussi la vivre.

Mais la question de Pilate ensuite est pertinente : « qu’est-ce que la vérité ? ». Cette question vaut aussi pour notre époque. L’être humain, parce qu’il est capable de réflexion, ne peut échapper à cette recherche de la vérité. Celle-ci doit nous dire ce qu’est la réalité afin que nous soyons capables d’agir de façon réaliste et sensée.

Or nous vivons dans un monde complexe, compliqué où comprendre la réalité nécessite un effort important. Recueillir toutes les données et les informations, les intégrer dans un ensemble qui fasse sens est difficile ; nous sommes souvent noyés ou nous devinons que nous n’avons pas tous les éléments du problème. De plus ce qui devrait nous permettre d’accéder aux informations est gangréné par le mensonge. Sur Internet les « fake-news » fleurissent ; on arrive même à parler de « vérités alternatives » pour qualifier ce qui est manifestement un mensonge.

Établir la vérité est presque toujours une œuvre collective : nous ne pouvons tout savoir ni tout vérifier ; nous avons besoin des autres et de leurs savoirs. Il faut  entendre la vérité que portent les autres, laisser questionner notre vérité par celle de l’autre. Cela ne peut se faire que dans une relation de confiance mais c’est un autre sentiment qui précisément fait beaucoup défaut aujourd’hui.

Pourtant nous ne pouvons renoncer à chercher la vérité, cela fait partie de notre dignité humaine. C’est une responsabilité que nous devons assumer pour être un acteur raisonnable, sensé. Il nous faut toujours, au moment de nous engager, établir ce qui est vrai, ce qui est réel.

Ma deuxième réflexion est que la vérité établie est presque toujours marquée par une qualification, une référence à une valeur et je crois que c’est cette dimension à laquelle le Christ s’attache quand il dit qu’il est venu pour rendre témoignage à la vérité.
Je m’explique : quand vous avez un verre rempli à moitié, vous pouvez dire « il est à moitié vide » ou bien « il est à moitié plein ». Le plus souvent, ce ne sont pas seulement des constats qui sont tous les deux exacts. Ils peuvent signifier une vision pessimiste ou à l’inverse optimiste, vision qui va orienter l’action plutôt vers l’abandon :« c’est fichu ! » ou bien vers l’espérance qui invite à poursuivre.

Jésus est celui qui a regardé toute personne de manière positive ; il a mis en elle l’espérance d’une avancée, en l’invitant à se remettre debout. Il avait autour de lui des voleurs, des prostituées, des fanfarons mais il n’a pas enfoncé chacun de ceux-là dans sa réalité négative ; au contraire il lui a fait confiance (et les personne lui ont fait confiance) pour changer de vie et repartir. La vérité qu’il portait et partageait pour chacun était une vérité d’espérance, de vie, d’amour.

Et c’est bien ainsi que nous sommes appelés à témoigner nous aussi de la vérité. C’est l’occasion d’un examen de conscience. Au terme d’une journée, quelle est la part dans les paroles que nous avons dites, de celles qui portaient à la confiance, à la bienveillance, à l’encouragement… et de celles qui critiquaient, dénigraient, rabaissaient ?

De plus prenons garde : je me souviens de cette petite fille de 10 ans dont j’admirais la maturité humaine qui disait : « les défauts qu’on voit bien chez les autres, c’est ceux qu’on à soi-même ». Notre vue « réaliste » sur les défauts des autres n’est-elle pas souvent une manière en abaissant les autres de nous élever ? Notre vue « réaliste » sur les situations n’est-elle pas souvent une manière de nous dédouaner de notre inaction sur ce qui dépend de nous ? Le regard que nous portons sur les gens, si nous ne réfléchissons pas, risque de dire plus sur ce que nous sommes que ce qu’ils sont.

Laissons l’Esprit du Christ pénétrer nos vies afin que nos paroles et nos actes rendent témoignage à la vérité et fassent vivre une vérité d’espérance, de justice, de fraternité et d’amour.

Père Joël Morlet