En ce jour de St Eloi, nous aimerions ne penser qu’à des choses positives
et pouvoir faire la fête tranquillement. Nous sommes là bien sûr pour la faire
mais nous sommes venus nous présenter devant le Seigneur avec la totalité de ce
que nous sommes et de ce que nous vivons, et en cette période nos sentiments
peuvent être mélangés.
Car en ce moment les temps sont plutôt à baisser la tête et à avancer
avec peine. Exigences sociétales,
compétition mondiale, surcharges administratives, direction politique
absente, climat en pleine évolution… tout cela à la sauce médiatique… Cela fait
beaucoup. Certes certains gardent de la
tranquillité mais nous le savons d’autres sont plus touchés et se sentent
déconsidérés. Quel chemin tracer personnellement et tous ensemble ?
Ce jours, nous commençons notre préparation à la fête de
Noël. Le Fils de Dieu vient partager notre humanité. Il vient partager les
peines et les joies, les souffrances et la vie des hommes et des femmes
d’aujourd’hui. Il vient nous dire et nous redire que les contradictions et les
chemins difficiles n’ont pas à déboucher sur la tristesse et l’abandon. Il
vient nous inviter à l’espérance et à la confiance ; loin du découragement
ou du cynisme (que le meilleur gagne !) il nous invite à nous engager pour
la justice et pour la paix. « Paix sur la terre aux hommes de bonne
volonté ».
Dieu nous a confié la Création et toutes ses potentialités. C’est un don
magnifique qui engage notre responsabilité : prendre soin de la nature
grâce à notre intelligence et à notre travail ; prendre soin des hommes,
des femmes pour former une communauté
humaine fraternelle.
Chaque profession participe à sa façon à promouvoir et préserver ce Bien
Commun. Mais le rôle de l’agriculteur par son rapport particulier à la nature
et à la terre occupe une place décisive : entretenir la vie des plantes,
des animaux ; nourrir les hommes ; préserver les éco-systèmes et la
biodiversité. C’est une passion et une fierté et il n’y a pas de raison de s’en
laisser déposséder.
Face aux difficultés actuelles et à un éventuel sentiment d’enfermement,
le chemin d’espérance auquel le Christ nous invite, n’est certainement pas le
repli sur soi et l’isolement. Il n’est pas de fermer les écoutilles et de se
taire. C’est un travail de discernement pour entendre ce qui mérite d’être
entendu et ne pas se laisser désarçonner par ce qui est faux ou inadapté. De
tout temps les connaissances scientifiques, et aujourd’hui elles sont de plus
en plus pointues, ont conduit les agriculteurs à faire évoluer les techniques
agricoles. L’objectif est de produire de la manière la plus efficiente et la
plus saine. C’est ce que font la plupart d’entre nous même si ce n’est ni
simple ni toujours évident ; nous le savons bien : c’est une des
données du métier que d’évoluer.
Plus cette évolution est compliquée et plus l’effort est à mener ensemble. C’est se sentir avec les
autres agriculteurs, et en particulier les plus proches, solidaires pour tracer
un chemin dans les transformations nécessaires, pour s’entr’aider lorsque cela
est nécessaire, pour se soutenir vers un avenir commun. C’est une question
d’efficacité et aussi de soutien mutuel. Une attention particulière est à
accorder pour ceux que l’on sent en difficultés ; aller vers eux dans un
sentiment vrai et désintéressé d’entr’aide.
Si les questions liées à l’environnement occupent beaucoup les esprits,
un souci de notre société devrait nous préoccuper aussi intensément, c’est la méfiance qui s’est installée entre nous et le dénigrement systématique
entre les composantes de la société. Reconstruire la confiance et le dialogue
avec toutes les catégories de la société. Les attaques sont quelquefois si virulentes
que la tentation est de se braquer et de se taire. Ne laissons pas le lien
social se déliter complètement. Il faut
savoir profiter et créer des occasions d’expliquer son travail, ses efforts et
montrer le chemin parcouru. Il nous faut rétablir de la confiance et, si
effectivement certains ont peu souci du bien commun, beaucoup d’autres ne
demandent qu’à comprendre et être compris.
Plus largement, la ruralité est dans notre société très urbanisée un
facteur d’équilibre dont nous avons besoin. Cette ruralité par ses qualités de
contact avec la nature, les paysages, la
vie végétale et animale mais aussi son patrimoine, un rythme de vie calquée sur
la nature est à entretenir, à préserver pour le bien de tous. Les agriculteurs
peuvent y contribuer avec les autres catégories sociales qui l’habitent
(artisans, commerçants, employés, ouvriers, cadres et professions libérales) et
cela demande aussi sens de l’autre même s’il est différent, dialogue et
bienveillance. Il faut préserver ou créer des lieux de rencontre, d’échange, de
fête qui permettent de penser ensemble un avenir commun et de constituer des
territoires ruraux animés et vivants. Nous nous
habituons trop facilement à l’individualisme. La confiance et la solidarité
sont des biens plus précieux que les sécurités matérielles. « Vous êtes le
sel de la terre… vous êtes la lumière du monde ». Cette parole du Christ
n’est pas une invitation à l’orgueil mais une responsabilité confiée pour
oeuvrer avec humilité envers et contre tout à la justice et à la fraternité.
Noël ne doit pas être le moment d’une trève trop vite passée; il se
prépare comme l’accueil, au milieu des peines et des difficultés, de la Bonne
Nouvelle d’un Dieu qui a confiance dans l’humanité qu’il a créée et qu’il vient
encourager dans son désir de justice, de fraternité et d’amour. Noël n’est pas
un moment d’oubli, il doit être chaque
année la base d’un rebond, d’un effort renouvelé puisque le Seigneur est parmi
nous, avec nous.