vendredi 2 décembre 2022

Saint Éloi, temps d'échange pour les agriculteurs

 Chaque année, des agriculteurs d’Argonne se réunissent afin de préparer une messe en l’honneur de leur Saint Patron, Saint Eloi. A partir de ce bilan (cf. publication du 2 novembre), Joël Morlet propose quelques pistes de réflexion pour animer la cérémonie.


Quelques idées pour animer la cérémonie de la Saint Eloi 

Rassemblés ce jour pour fêter notre Patron, Saint Eloi, nos sentiments face à la situation que nous vivons peuvent être marqués par l’inquiétude. La valse des prix, ceux de nos productions et ceux des intrants, nous prive de repères sur les mois et les années à venir. Nous devinons qu’un nombre encore plus important d’exploitations vont se trouver dans la difficulté. La pression reste grande concernant les contraintes liées à la préservation de l’environnement et de la santé. Des choix sont à faire sur les orientations que doivent adopter nos exploitations : bio ou pas bio, circuits courts, négoce ou coopérative, production alimentaire ou production énergétique. Attachés à la terre et chargés de faire fructifier la vie, nous devons constater que la financiarisation gagne sans cesse du terrain. Comment garder la confiance et donner un sens à ce que nous faisons ? La démarche de venir à l’église ce jour peut-elle ranimer l’espérance ?

La Parole de Dieu nous y invite. Dans le livre d’Isaïe, au travers d’images, le Seigneur nous dit que l’avenir de ce monde n’est pas dans la division, la guerre, la domination du plus fort mais dans l’effort pour établir la fraternité, l’harmonie et  la paix. Se tourner vers Lui, c’est recevoir un esprit de force, de sagesse, de discernement, d’humilité pour avancer avec persévérance sur ce chemin.

L’Evangile appuie dans ce sens en nous disant que c’est notre responsabilité. Être sel et lumière signifie qu’au milieu de ce monde et de ses difficultés, de ses angoisses, il nous faut rester acteur de cette espérance d’une terre habitée par la fraternité. Nous sommes invités à garder le cap pour que nos vies, notre travail aient un sens qui nous rende fiers de notre profession.

Cela ne nous dit pas précisément ce que nous devons faire. Des choix économiques et politiques sont à faire à différents niveaux qui relèvent déjà d’une analyse des situations et de ce qui est possible mais l’Evangile peut éclairer les options possibles. Il nous dit que les moyens doivent rester au service de finalités humaines essentielles. L’épanouissement de l’homme dans toutes ses dimensions physiques et spirituelles en est une. La construction d’une communauté humaine fraternelle et harmonieuse ainsi que le recherche du Bien commun en sont des autres. La rentabilité, le profit, la croissance, la compétitivité sont à réguler et maitriser pour tenir ces finalités. Aucun homme ne doit être laissé de côté ; la solidarité n’est pas une option. Le compte en banque et la réussite économique ne sont qu’un élément du bilan. En quoi les orientations choisies font-elles grandir les hommes et les femmes, l’ensemble de notre société ?

Parmi les finalités, il y a aussi le soin apporté à la Création que Dieu nous a confiée. Elle n’est pas une carrière à exploiter mais un don de Dieu et une Maison commune à entretenir. Le pape François nous le dit : « Pour la tradition judeo-chrétienne, dire“création”, c’est signifier plus que “nature”, parce qu’il y a un rapport avec un projet de l’amour de Dieu dans lequel chaque créature a une valeur et une signification. La nature s’entend d’habitude comme un système qui s’analyse, se comprend et se gère, mais la création peut seulement être comprise comme un don qui surgit de la main ouverte du Père de tous, comme une réalité illuminée par l’amour qui nous appelle à une communion universelle. » (Laudato Si n°76)

Il est important en ce jour de fêter tout ce qui contribue déjà à donner du sens et de la confiance pour cette mission que constitue notre profession. Permettre l’épanouissement de chacun, faire grandir la fraternité entre nous, prendre soin de notre environnement, c’est ce qui fait sens pour les décisions économiques que nous prenons.

Dans ce sens, les relations entre nous sont un facteur et un élément de bilan essentiels. Vous dites fréquemment qu’aujourd’hui il est nécessaire de travailler ensemble. Face aux défis actuels et ce qu’ils demandent de réflexion et de prise de risques, collaborer permet de se sentir plus assuré dans les changements à adopter.  L’esprit coopératif et mutualiste, pour ne pas être que du passé, demande à se renouveler aux contacts des réalités actuelles ; il demande un engagement solide. A côté des connaissances techniques, la gestion des relations humaines dans le sens du respect et de la solidarité est certainement une compétence essentielle à développer.

Face aux craintes et peurs qu’il suscite, l’avenir doit pouvoir être présenté aux jeunes comme rempli d’espérance ; qu’ils comprennent que le travail qu’ils accompliront donne du sens à la vie. Avoir le souci de les initier au plaisir de construire ensemble, de faire face aux défis avec les autres, qu’ils trouvent du goût au monde que nous habitons.


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