Chaque année, des agriculteurs d’Argonne se réunissent afin de préparer une messe en l’honneur de leur Saint Patron, Saint Eloi. A partir de ce bilan (cf. publication du 2 novembre), Joël Morlet propose quelques pistes de réflexion pour animer la cérémonie.
Quelques idées pour animer la cérémonie de la Saint Eloi
Rassemblés ce jour pour fêter
notre Patron, Saint Eloi, nos sentiments face à la situation que nous vivons
peuvent être marqués par l’inquiétude. La valse des prix, ceux de nos
productions et ceux des intrants, nous prive de repères sur les mois et les
années à venir. Nous devinons qu’un nombre encore plus important
d’exploitations vont se trouver dans la difficulté. La pression reste grande
concernant les contraintes liées à la préservation de l’environnement et de la
santé. Des choix sont à faire sur les orientations que doivent adopter nos
exploitations : bio ou pas bio, circuits courts, négoce ou coopérative,
production alimentaire ou production énergétique. Attachés à la terre et
chargés de faire fructifier la vie, nous devons constater que la
financiarisation gagne sans cesse du terrain. Comment garder la confiance et
donner un sens à ce que nous faisons ? La démarche de venir à l’église ce
jour peut-elle ranimer l’espérance ?
L’Evangile appuie dans ce sens
en nous disant que c’est notre responsabilité. Être sel et lumière signifie
qu’au milieu de ce monde et de ses difficultés, de ses angoisses, il nous faut
rester acteur de cette espérance d’une terre habitée par la fraternité. Nous
sommes invités à garder le cap pour que nos vies, notre travail aient un sens
qui nous rende fiers de notre profession.
Cela ne nous dit pas précisément
ce que nous devons faire. Des choix économiques et politiques sont à faire à
différents niveaux qui relèvent déjà d’une analyse des situations et de ce qui
est possible mais l’Evangile peut éclairer les options possibles. Il nous dit
que les moyens doivent rester au service de finalités humaines essentielles.
L’épanouissement de l’homme dans toutes ses dimensions physiques et
spirituelles en est une. La construction d’une communauté humaine fraternelle
et harmonieuse ainsi que le recherche du Bien commun en sont des autres. La
rentabilité, le profit, la croissance, la compétitivité sont à réguler et
maitriser pour tenir ces finalités. Aucun homme ne doit être laissé de
côté ; la solidarité n’est pas une option. Le compte en banque et la
réussite économique ne sont qu’un élément du bilan. En quoi les orientations
choisies font-elles grandir les hommes et les femmes, l’ensemble de notre
société ?
Parmi les finalités, il y a
aussi le soin apporté à la Création que Dieu nous a confiée. Elle n’est pas une
carrière à exploiter mais un don de Dieu et une Maison commune à entretenir. Le
pape François nous le dit : « Pour la tradition
judeo-chrétienne, dire“création”, c’est signifier
plus que “nature”, parce qu’il y a un rapport avec un projet de l’amour de Dieu
dans lequel chaque créature a une valeur et une signification. La nature
s’entend d’habitude comme un système qui s’analyse, se comprend et se gère,
mais la création peut seulement être comprise comme un don qui surgit de la
main ouverte du Père de tous, comme une réalité illuminée par l’amour qui nous
appelle à une communion universelle. » (Laudato Si n°76)
Dans ce sens, les relations entre nous sont
un facteur et un élément de bilan essentiels. Vous dites fréquemment qu’aujourd’hui
il est nécessaire de travailler ensemble. Face aux défis actuels et ce qu’ils
demandent de réflexion et de prise de risques, collaborer permet de se sentir
plus assuré dans les changements à adopter.
L’esprit coopératif et mutualiste, pour ne pas être que du passé,
demande à se renouveler aux contacts des réalités actuelles ; il demande
un engagement solide. A côté des connaissances techniques, la gestion des
relations humaines dans le sens du respect et de la solidarité est certainement
une compétence essentielle à développer.
Face aux craintes et peurs qu’il
suscite, l’avenir doit pouvoir être présenté aux jeunes comme rempli
d’espérance ; qu’ils comprennent que le travail qu’ils accompliront donne
du sens à la vie. Avoir le souci de les initier au plaisir de construire
ensemble, de faire face aux défis avec les autres, qu’ils trouvent du goût au
monde que nous habitons.
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